1914-18, le Loiret à l'heure de la Grande Guerre

Il y a près de 100 ans s'achevait la Grande Guerre. Le département n'a subi aucune invasion ni destruction. Mais, la guerre est restée omniprésente. À la fois lointaine et proche.

Rentreé triomphale des troupes de la garnison d'Orléans le 03 août 1919

Rentrée triomphale des troupes de la garnison d'Orléans le 03 août 1919

Une heure lugubre.

C'est avec terreur que la population du Loiret, apprend le 3 août 1914 que l'Empire allemand déclare la guerre à la France. "Ce fut, selon un contemporain, une heure lugubre entre toutes... les femmes pleurant sur le pas de la porte, les hommes prêts à faire leur devoir, mais consternés d'avoir à quitter leur famille." Le surlendemain, les régiments stationnés dans le Loiret partent au front "sans fleur au fusil" mais résolus à défendre la nation. Rapidement, la population voit affluer les "réfugiés" de la France du nord et du nord-est. Des soldats épuisés, blessés sont accueillis dans des bâtiments publics qui servent d'hôpitaux militaires provisoires.

La nouvelle de la victoire de la Marne et de la stabilisation du front, en septembre, apporte un soulagement, mais le Loiret compte déjà de nombreux soldats morts "au champ d'honneur", dont l'écrivain Charles Péguy. Au cours de l'hiver 1914-1915, arrivent des troupes britanniques composées notamment de soldats indiens, dont les célèbres lanciers du Bengale qui bivouaquent entre Olivet et Saint-Cyr-en-Val.

Une terrible saignée.

Des régiments du Loiret participent au combat dans des secteurs fort disputés. Le lieutenant Genevoix se bat à Verdun. Proportionnellement au nombre des mobilisés, la 5ème région militaire d'Orléans possède, avec 20,2 %, le plus fort taux de perte en France (47 600 tués ou disparus pour 235 000 mobilisés), la moyenne nationale étant 16,1 %. Une série de mesures vise à pourchasser le pacifisme et à "bourrer les crânes". Même les enfants doivent, au travers de dictées patriotiques et de leçons de civisme prendre conscience du drame national. L'économie du Loiret est entièrement au service de la guerre.

L'agriculture doit s'adapter au manque de main d'oeuvre, à la réquisition des chevaux, à la pénurie d'engrais. L'industrie embauche des travailleurs étrangers et surtout de nombreuses femmes. Les couvertureries fabriquent le tissu bleu horizon ; la manufacture Bapterosses à Briare, les boutons des uniformes ; la Compagnie des Asphaltes à Chalette, du carton goudronné pour les cagnats des poilus ; Hutchinson, des masques à gaz ; les automobiles Delaugère des camions militaires... Avec la guerre, un nouveau Loiret industriel apparaît suite au repli d'entreprises du nord et du nord-est comme les Forges ardennaises Gailly à Meung-sur-Loire et surtout la création d'usines d'armement.

Adieu la "Belle Epoque".

Au quotidien, les prix des denrées explosent. En quatre ans, celui des oeufs triple, celui du poulet quadruple, celui du beurre quintuple... Au printemps 1917, des grèves spontanées, non révolutionnaires, éclatent. Les grévistes finissent par obtenir un salaire de 5 francs par jour ou une indemnité de vie chère. Au début de 1918, rationnement oblige, une carte individuelle d'alimentation et une carte de pain apparaissent. En octobre 1918, la ration des enfants qui était de 200 g de pain par jour en juin passe à 300 g pour, selon le député-maire d'Orléans Fernand Rabier, préserver "l'avenir de la race".

Le 3 août 1919, la population accueille la signature de l'armistice avec joie et soulagement. L'année suivante, le maréchal Foch préside les fêtes de Jeanne d'Arc. Comme tous les Français, les habitants du Loiret espèrent un retour rapide à une vie "normale". Ils sont peu préparés à s'adapter aux grandes mutations accélérées par la guerre : dépeuplement des campagnes, progression du travail féminin, inflation, rôle croissant de l'Etat, crise des valeurs traditionnelles. La "Belle Epoque" est bien finie !

Jean-Marie Flonneau

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