Les Archives départementales composent le passé pour le préparer au futur

16 août 2022

Le futur bâtiment des Archives départementales du Loiret est en cours de construction depuis le printemps 2021, avenue des Droits de l’Homme. Le déménagement devrait débuter à l’été 2023, pour une ouverture au public prévue en 2024. Et les agents œuvrent depuis 2017 à ce déménagement...

Frédéric Pige, responsable du service Fonds historiques et généalogiques

Imaginez rallier Beaugency depuis Orléans en ne foulant que des documents historiques. En théorie, les 32 kilomètres d’archives départementales linéaires le permettraient. Mais, chemin faisant, la mémoire loirétaine court de plus en plus loin et ses trois sites gardiens orléanais, cité Coligny (20 km), rue d’Illiers (10 km) et l’annexe du Fort Alleaume, perdent le rythme. Ainsi donc, un bâtiment s’élève en ce moment même sur l’avenue des Droits de l’Homme pour assurer la relève à l’été 2023. Son souffle : huit étages, 12 000 mètres carrés, 60 km de rayonnages sans fenêtres d’une température et hygrométrie (taux d’humidité) surveillées, le tout pour 32 millions d’euros (dont six financés par l’État).

Déjà cinq ans de travail

« Les trente-quatre agents des Archives départementales préparent le déménagement depuis cinq ans, retrace Frédéric Pige, responsable du service Fonds historiques et généalogiques. Le voyage, par le risque de détérioration qu’il engendre, a été l’occasion pour nous d’accélérer la révolution de la conservation que nous avions déjà entreprise. » Oui, au rez-de-chaussée du site rue d’Illiers, les documents abîmés arrivent entre les mains expertes de Maryline Pouët, chargée de la gestion et de la préservation des archives. Elle les libère de la poussière, « qui sert de nourriture à la moisissure », et diagnostique leur mal pour déterminer l’opération salutaire dont se chargera un prestataire.

La restauratrice précède ainsi un autre chantier, et pas des moindres. « Certains conditionnements s’avèrent néfastes sur le long terme, détaille-t-elle. Le papier kraft a régné des années 50 à 90 pour sa malléabilité et son prix abordable. Mais, son acidité attaque les feuilles, les jaunit, les rend cassantes. » Puisqu’il n’est de lieu plus approprié que les archives pour apprendre du passé, le papier kraft y appartient désormais. Des boîtes de conservation longue en carton neutre le remplacent, mais le changement s’est opéré non sans mal. Trois ans durant, une entreprise sous-traitante en a vu passer 40 000 pour y conditionner les trois kilomètres d’archives notariales depuis le XIVe siècle. Quant aux documents aux dimensions particulières, cartes, plaques de verre, voire négatifs, la relieuse appliquée Isabelle Guérin-Canu des archives leur confectionne de jolies boîtes sur-mesure. Aux manettes du laboratoire photographique, Franck Meunier, lui, a déjà numérisé cinq millions d’archives papiers. Imaginez-vous donc, elles représentent moins de 1 % de cet unique type de documents.

Quel intérêt ?

« Cela préserve les originaux les plus consultés, principalement les états civils, renseigne Frédéric Pige. Ici, sur le site rue d’Illiers, vous pouvez également vous plonger dans les autres archives communales comme le réseau routier, puis dans les notariales, dans celles des châteaux, ou encore d’origine privée avec un intérêt historique. Je pense à des lettres de Poilus à leur famille durant la Grande Guerre ou des correspondances de l’auteur Marcel Reggui qu’un chercheur venu spécialement d’Israël parcourt actuellement. » Et ces plans-ci de meubles du début XXe, pourquoi les conserver ? Figurez-vous que derrière leur insignifiance présumée se cache l’histoire d’un grand faussaire bête noire des antiquaires. Qu’un droit de propriété d’un moulin par exemple prouve son appartenance du lit de la rivière. « Tout cela illustre une histoire individuelle et collective, puis peut juridiquement servir. Les archives départementales se doivent de les conserver. »

Dernière ligne droite

Justement, à elles toutes, elles tiennent dans environ 450 000 boîtes qui attendent le déménagement à l’été prochain. Reste un peu de reconditionnement, le récolement, la vérification de leur présence, le refoulement, le rapprochement des éparpillées à cause du manque de place, et la logistique due à leur intégration précise dans les futurs rayonnages du nouveau bâtiment.

Bâtiment archives départementales

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