Brouille au château de Sully entre le seigneur, l’évêque et le roi
Au début du XIIIe siècle, le château de Sully-sur-Loire est au centre des relations complexes entre son seigneur, l’évêque d’Orléans et le roi de France.
Une querelle féodale
Le château appartient alors à Henri, baron de Sully. Celui-ci fait taxer indûment et molester des marchands passant par ce site très fréquenté. Il entre alors en conflit avec son suzerain1, qui est l’évêque d’Orléans Manassès de Seignelay (de 1208 à 1221). Ce dernier lui inflige une punition féodale. Henri refusant de réparer les torts commis, l’évêque lui confisque le château. Mais ne pouvant effectuer la saisie, il s’adresse au roi de France Philippe Auguste et lui confie la garde du château.
Le roi, tout auréolé de sa victoire de Bouvines (1214), mène une politique ambitieuse d’extension du domaine royal. Déjà accueilli au château de Sully en 1199-1200, voire peut-être plus tôt, est intéressé par sa situation géographique privilégiée. En effet, s’établir ici lui permettrait de poursuivre le développement de son autorité en établissant un lien entre ses domaines du nord de la Loire et ceux du Berry.
La tour de Philippe Auguste
Vers 1218, le roi fait bâtir une imposante tour, véritable donjon d’environ douze mètres de diamètre, muni de crénelage et de hourds2 en bois. Il s’agit d’une véritable marque de la souveraineté et de la puissance du roi capétien. Cette tour, dite de Philippe Auguste, comprenait trois niveaux. Elle était défendue par un large fossé circulaire et on y accédait par un pont-levis en bois. Le seigneur de Sully et l’évêque d’Orléans, inquiets de cette présence royale gênante, finissent par se réconcilier et obtiennent le recul du roi, qui abandonne sa tour.
Cependant, le seigneur doit en rembourser le prix et en rendre hommage3 à l’évêque, qui en rend lui-même hommage au roi. La tour abrite alors les aveux de fiefs des vassaux du seigneur de Sully (documents féodaux), et sert aussi à l’occasion de prison. La tour était située face au château de l’époque, dont on connaît peu de choses. Elle est détruite en 1718. Un sondage et des fouilles archéologiques en 1994 ont permis de découvrir la base de la tour, située dans l’avant-cour, à peu près face aux tours du donjon actuel.
Mathieu Girault