Des pompiers loirétains au secours des Bouches-du-Rhône et du Canada

11 août 2023
Les pompiers loirétains prêtent main forte au Canada et dans les Bouches-du-Rhône - Nicolas Rosello dans la forêt canadienne

Été 2023. La saison de tous les dangers. Le monde fait face à de terribles incendies : Canada ; Grèce ; Croatie ; Algérie ; Italie ; Tunisie ; Portugal… et depuis mardi, Hawaï. Des soldats du feu loirétains professionnels et volontaires ont prêté main forte à leurs collègues hors des frontières du département. Récit.

Des pompiers solidaires de leurs collègues… dans les Bouches-du-Rhône

Les pompiers loirétains prêtent main forte au Canada et dans les Bouches-du-Rhône - groupe de pompiers loirétains au moment du départ

« C’était la première fois que je partais en renfort, raconte Olivier Baudry, sergent-chef, l’un des neuf sapeurs-pompiers partis, mercredi 2 août, appuyer leurs collègues des Bouches-du-Rhône. Nous étions sept sapeurs-pompiers volontaires et deux professionnels. Nous venions de plusieurs centres de secours afin de garantir le potentiel opérationnel du Loiret. Nous ne nous connaissions pas : nous sommes partis une colonne, nous sommes revenus un groupe soudé ayant vécu une grande aventure humaine ! »

Deux camions citerne du Sdis* 45, quatre personnes dans chaque, et un véhicule transportant les bagages, le nécessaire pour la logistique et les lits (!) suivait. Douze collègues du Loir-et-Cher étaient également du voyage. « Nous étions logés en caserne. Nous avons été touchés par l’accueil que nous ont réservé nos collègues et les habitants qui nous remerciaient. Par exemple, ils nous préparaient à manger… c’était meilleur que nos rations ! Nous avions aussi un accompagnateur avec lequel nous échangions sur l’opérationnel. Il nous a appris beaucoup, notamment en matière de lecture de cartes, conduite d’engins dans des massifs escarpés… »

Les pompiers loirétains prêtent main forte au Canada et dans les Bouches-du-Rhône - camions citerne du Loiret dans la forêt

Dans le Sud, le risque d’incendie était à son niveau maximal lorsque le détachement de sapeurs-pompiers du Loiret est arrivé. Durant les six jours où Olivier Baudry y est resté, il n’a pas eu à combattre le feu, car la vigilance, la prévention et la surveillance sont bien rôdées et efficaces pour lutter contre les feux naissants. Par contre, ça a été l’occasion d’acquérir de l’expérience, d’échanger sur les bonnes pratiques et c’était porteur de valeurs, comme la solidarité… le 45 n’est pas à l’abri de devoir, un jour, faire appel à d’autres départements. 

« Tout le monde est mobilisé dans les Bouches-du-Rhône : employés communaux : bénévoles ; sapeurs-pompiers volontaires et professionnels... Il y a ceux qui surveillent la moindre fumée et donnent l’alerte, notamment dans les vigies, ces points hauts d’où l’on voit loin. La détection précoce s’avère être un atout majeur. Avant l’été, un travail de débroussaillement est fait dans les massifs, les chemins d’accès sont nettoyés, les réserves d’eau vérifiées… »

Cette solidarité entre centres de secours s’intègre dans un dispositif d’entraide nationale. Les soldats du feu sont mobilisables dès leur arrivée sur zone car les engins de lutte contre les feux et la formation des sapeurs-pompiers sont les mêmes partout en France.

Un pompier loirétain au Canada

Des pompiers loirétains dans les Bouches-du-Rhône et au Canada - Nicolas Rosello dans une forêt dévastée

« Comme j’étais en congés et que je suis spécialiste des feux de forêt, je me suis porté volontaire pour lutter contre les incendies au Canada, explique Nicolas Rosello, adjudant-chef au Centre Orléans nord, rentré hier. Nous avons travaillé trois semaines en immersion complète, 14 à 15 heures par jour, sans jour de repos. J’avoue que je suis aujourd’hui un peu déstabilisé d’être ici, j’ai encore la tête là-bas. J’étais affecté sur la zone de Wemindji, une réserve autochtone du Québec, territoire des ours bruns notamment… Nous sommes partis le 18 juillet au matin de Marseille. Le soir, nous atterrissions à Québec, le lendemain nous avons rejoint Roberval. De là, nous avons roulé 1 200 km pour arriver sur la zone qui nous était attribuée. J’étais le seul Loirétain, et j’en ai été très honoré, dans cette équipe composée de soixante-dix-neuf sapeurs-pompiers de toute la France et quarante-cinq sapeurs-sauveteurs, autrement dit l’armée. Avant d’être opérationnels, nous avons suivi une journée de formation car les techniques et moyens canadiens sont différents des nôtres. Par exemple, une équipe spécialisée utilise des drones qui recensent les points chauds permettant de faire des prévisions. Un groupe de brûleurs tactiques combat le feu par le feu, un autre, la Fenics met à disposition des moyens de communication entre les équipes sur le terrain. Enfin, les canadiens essaient de limiter, voire de dévier le feu pour protéger les habitations, les lignes de fibres optiques… »

170 000 hectares : c’était surface de la zone d’intervention de Nicolas Rosello. Il a été confronté à des flammes hautes de vingt mètres : « C’était impressionnant ! » Pourtant, comme Olivier Baudry, il est prêt à repartir ! D’autant plus, qu’il en « ressort plus riche : en trois semaines, j’ai appris autant qu’en plusieurs années et j’ai vécu une expérience humaine précieuse. Nous avons été très bien reçus par tout le monde : habitants comme sapeurs-pompiers canadiens. Ces derniers nous ont fait défiler avec eux ! Et il y a une vraie gentillesse au Canada, qu’on ne retrouve pas en France. »

Si on demande à l’adjudant-chef s’il n’avait pas le sentiment de se battre contre une cause perdue, il rétorque que « non car la mission a été remplie : la protection de la grande ville et des lignes de fibre. Mais, quand on nous demandait de quitter un endroit qui brûlait très fort, j’étais frustré … la priorité pour les Canadiens : sauver les vies. Leur état d’esprit : une forêt qui brûle donnera naissance à une nouvelle forêt, encore plus belle ! »

La solidarité était mondiale : Nicolas Rosello a croisé des collègues américains : « très forts en logistique ». D’autres pays prêtent également main forte, comme la Corée du sud, le Mexique, etc. 
 

Feux d’espaces naturels et de forêts incontrôlables

Changement climatique, sécheresse, voire aridité, températures supérieures à la normale et vent… sont les facteurs qui accentuent le risque d’incendies de grande ampleur partout dans le monde. On le voit ces jours-ci, à Hawaï, avec un bilan qui ne cesse de s’alourdir (36 morts), la ville de Lahaina presque entièrement partie en fumée, des habitants évacués, certains obligés de se jeter dans le Pacifique pour échapper aux flammes attisées par l’ouragan Dora et ses vents atteignant 130 km/h… 

Ces dernières années, le Canada est confronté à des incendies plus intenses et plus fréquents. « Treize millions d’hectares de forêts ont déjà brûlés » a écrit, le 4 août 2023, Étienne de Metz, correspondant du Monde à Montréal  cela représente « une superficie comparable à celle de la Grèce ». Sont touchées des zones forestières pour lesquelles la foudre est la cause de ces mégafeux incontrôlables. « Les Sapeurs-pompiers canadiens luttent pour que soient épargnées les localités tout en sachant que seuls l’hiver et la neige réussiront à les éteindre », constate Nicolas Rosello. On observe peu de dégâts matériels et humains. Mike Westwick explique au Monde que « les feux font partie intégrante de l’écosystème boréal puisqu’ils permettent aux forêts de se régénérer ». Cependant, trop nombreux cet été, ils occasionnent de lourdes conséquences pour l'environnement.

Dans neuf incendies de forêt sur dix, l’activité humaine en est la source. Ils sont dus, par exemple, aux activités agricoles, chantiers de BTP, lignes électriques, chemins de fer, etc. Une étincelle suffit dans un milieu sec. Mais aussi aux mégots jetés par la fenêtre de la voiture, barbecues et feux de camp. L’imprudence et les comportements dangereux sont souvent à l’origine de ces catastrophes (55 % des cas). Et dans 23 % des cas, les départs de feux sont intentionnels.

Et en France… dans le Loiret

Feu à Bouzy-la-Forêt, le 12 août 2022

Feu à Bouzy-la-Forêt, le 12 août 2022

Cette année, sur le même principe que la météo des plages, le site web, la météo des forêts, a été créé pour estimer le danger de feux à partir des conditions météorologiques. Une carte est disponible ici.

« Dans le Loiret, nous sommes entrés dans une nouvelle ère concernant les incendies de forêt et de champs. Nous prenons ce problème très au sérieux car leur nombre augmente, ainsi parle Jérémie Lacroix, chef de groupement opérations-compétences et conseiller technique départemental sauvetage déblaiement. Au Sdis* 45, un bureau spécifique avec trois officiers travaillent à temps plein afin de faire évoluer les pratiques opérationnelles : retours d’expériences et analyses des sinistres (vélocité, comportement du feu, impact du sol du sous-sol et du relief) ; bilans ; valorisation de ce qui a été sauvé ; prévention et prévisionNous formons aussi tous les nouveaux sapeurs-pompiers à la lutte contre les feux d’espaces naturels et des anciens aussi. Nous collaborons avec les agriculteurs et les propriétaires forestiers afin qu’ils entretiennent leurs terrains. Nous avons commencé à installer des citernes d’eau dans des endroits vulnérables et isolés. Nous sensibilisons aussi le public car seuls 10 % des feux d’extérieur sont dus à des causes naturelles. Pendant les manœuvres, nous positionnons les véhicules sur des points stratégiques pour mailler une zone sensible et opérer ainsi très rapidement une attaque massive en cas de départ de feu »

*Service départemental d’incendie et de secours

Édith Combe
 

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