Le Cercil nous invite à regarder en face l’histoire des camps du Loiret

24 juin 2021

Jusqu’à fin décembre, le Cercil propose l’exposition Sortir de l’oubli, transmettre l’histoire et la mémoire des camps d’internement du Loiret. Elle s’inscrit dans le cadre de la commémoration des quatre-vingts ans de la rafle du billet vert, du trentième anniversaire de la création du Cercil et des dix ans de l’ouverture au public de son musée.

L’arrivée au camp de Pithiviers des hommes, juifs et étrangers arrêtés lors de la rafle dite du billet vert (14 mai 1941) - photographie pour le journal Le Matin. collection musée de la Résistance nationale – Champigny-sur-Marne/Fonds David Diamant

« Nous voulons briser le silence qui entoure la mémoire de ces camps »confiaient Éliane Klein et Hélène Mouchard-Zay, à l’origine de la création du Cercil, centre d’étude et de recherche sur les camps d’internement du Loiret, en juillet 1991. Elles voulaient que les souvenirs des camps d’internement du Loiret dépassent le cercle restreint des déportés rescapés et de leurs familles pour s’inscrire désormais dans la mémoire collective. L’idée était aussi de se mobiliser contre la montée de l’extrême droite et la multiplication des actes antisémites

Du centre d’étude au musée mémorial

Le Cercil nous invite à regarder l’histoire et la mémoire des camps du Loiret - inauguration du Cercil

Le centre d’étude et de recherche a élargi ses missions en devenant musée. Musée qui a été inauguré, en janvier 2011, par Jacques Chirac, Simone Veil et Serge Karlsfeld, notamment. 
De plus, en 2018, le Cercil Musée mémorial des enfants du Vel' d’Hiv' fusionne avec le Mémorial de la Shoah.
Ce sont essentiellement les familles qui déposent au musée leurs archives familiales. L’équipe du centre de ressources les analysent, les répertorient, les recoupent, renseignent les familles, mène des actions pédagogiques et culturelles auprès de tous les publics, notamment les scolaires… 
C’est grâce aux documents recueillis qu’est née cette exposition indispensable Sortir de l’oubli, transmettre l’histoire et la mémoire des camps du Loiret que vous pouvez voir jusqu’à fin décembre au Cercil.

Se souvenir

Le Cercil nous invite à regarder l’histoire et la mémoire des camps du Loiret - appel fils et filles

« Cette exposition est poignante ! Il est vital de mettre en place des outils de mémoire », avoue Ivan, l’un des visiteurs, visiblement très touché par les documents présentés ici.
L’exposition s’articule autour de deux axes : les archives et l’histoire. Elle raconte d’abord la vie des hommes dans les camps de Pithiviers et Beaune-la-Rolande, puis celles des femmes et enfants. Pour les premiers, à l’aide de photos. Elles renseignent sur l’histoire de ces hommes et, en observant le fond, on en apprend beaucoup sur leurs conditions d’emprisonnement. Pour tous, des témoignages sont livrés sous forme de courriers, photos prises avant l’internement, clichés annotés, article de presse, registres... Et, sur l’un des panneaux, on apprend que Les fils et filles des déportés juifs de France ont offert « une forte récompense pour tout document retrouvé » concernant les 4 000 enfants internés à Pithiviers et Beaune-la-Rolande entre les 20 juillet et 15 août 1942 : « Ils ont été séparés de force de leurs parents, ramenés au camp de Drancy et déportés au camp d’extermination d’Auschwitz où ils furent assassinés. » En effet, aucune photo n’a été retrouvée. 
 

Internements dans le Loiret

Le 14 mai 1941, 6 694 juifs étrangers, hommes de 18 à 40 ans, sont convoqués par la police française via un billet vert pour « un examen de leur situation ». 3 747 s’y rendent. Ils sont arrêtés, emmenés à la gare d’Austerlitz et déportés vers les camps de Pithiviers (1 700) et Beaune-la-Rolande (2 000). C’est la rafle du billet vert, première vague d’arrestation massive de Juifs menée par le régime de Vichy.
Puis, la rafle du Vel’ d’hiv’ a lieu les 16 et 17 juillet. Plus de 13 000 personnes, dont un tiers d’enfants, sont arrêtées et retenues au vélodrome d’hiver* durant cinq jours. 4 992 célibataires ou couples sans enfant sont transférés directement au camp de Drancy. Plus de 8 000 personnes (enfants compris) sont conduits dans les deux camps du Loiret de Pithiviers et Beaune-la-Rolande. Puis, les mères et les enfants sont séparés. Dans l’article Enquête sur un crime oublié d’Éric Conan, publié dans L’Express le 27 avril 1990, Raymonde Mann, 15 ans, conduite au camp de Beaune, déclare : « On annonce que les adultes partiront d'abord, pour préparer le camp de destination, et que les enfants suivront sous peu. » « Les 3, 5 et 7 août, près de 2 000 mères sont séparées de leurs enfants. De craintives, elles deviennent agressives. Il y a des combats avec les gardes, des blessés de part et d'autre. Quelques-unes sont même battues jusqu'à perdre connaissance, pour qu'elles lâchent leurs enfants », complète le journaliste. 

*9 000 policiers et gendarmes ont participé à ces arrestations. Ce n’est qu’en 1995 que Jacques Chirac, président de la République, reconnaît la responsabilité de la France dans cette rafle.

Les enfants restent donc seuls. Certains sont « si jeunes qu’ils ignorent même leur nom de famille », décrit Annaïg Lefeuvre, responsable du Cercil. Leurs conditions de vie sont atroces. Deux assistantes sociales en témoignent : Annette Monod-Leiris, 33 ans, de la Croix-rouge et Marie-Louise Blondeau, 19 ans, élève assistante-sociale qui effectue son stage au camp de Pithiviers. Joseph Weismann, seul enfant qui a réussi à s’évader, indique dans L’Express toujours : « Les petits erraient, pleurant, la morve au nez, les fesses de plus en plus sales, désemparés. Une tristesse, une misère... La mort valait peut-être mieux que cette détresse. Je crois qu'il y a un degré dans l'interdit : faire ça à des enfants... » Annette Krajcer, 12 ans en 42, internée à Pithiviers et sauvée in extremis de la déportation, ajoute que « de très jeunes, âgés de 2, 3 ou 4 ans, se retrouvent ainsi tout seuls, du jour au lendemain, sans personne ni pour les consoler, ni pour les laver, ni pour les aider à manger ». 

Le Cercil nous invite à regarder l’histoire et la mémoire des camps du Loiret - lettre concierge

Ce ne sont là que quelques documents de l’exposition Sortir de l’oubli que vous découvrirez au 45, rue du Bourdon-Blanc à Orléans. « Nous avons voulu présenter les archives familiales et, avec elles, les récits qui les accompagnent. Des récits parfois lacunaires, qui témoignent de ce qui a été transmis et de ce qui reste énigmatique. Le rôle du Cercil est à la fois de répondre aux demandes de recherches formulées par les familles mais aussi de valoriser ces archives privées pour qu’elles vivent dans la mémoire de tous », nous informe Annaïg Lefeuvre. 

Sortir de l'oubli, une exposition pour se souvenir !

Édith Combe

En savoir plus sur le Cercil...

Infos pratiques

Horaires :

  • du lundi au vendredi de 10 h à 12 h 30 et de 14 h à 17 h ;
  • mardi nocturne jusqu’à 20 h ;
  • dimanche de 14 h à 18 h ;
  • fermé le samedi.

Tarifs :

  • visite du musée-mémorial : 4 € – Tarif réduit : 2 € - Gratuit pour les moins de 18 ans ;
  • pour les groupes, dès 10 personnes : visite guidée : 30 €.

Réservation et renseignements :

  • 02 38 42 03 91
  • cercil@memorialdelashoah.org

Lieux accessibles aux personnes à mobilité réduite.

Le Cercil Musée mémorial 45, rue du Bourdon-Blanc à Orléans

Revenir en haut de page