Le Livre des 9 000 déportés de France à Mittelbau-Dora ou l’enfer vécu par les déportés loirétains au camp de Dora

16 mars 2022

Laurence Bellais, vice-présidente du Département du Loiret, a accueilli jeudi 3 mars, à l’Hôtel du Département, Laurent Thiery, docteur en histoire et directeur scientifique du Livre des 9 000 déportés de France à Mittelbau-Dora, les contributeurs Loirétains et vingt-deux familles descendantes auxquelles cet important travail biographique a été présenté.

Le Livre des 9 000 déportés de France à Mittelbau-Dora ou l’enfer vécu par les déportés loirétains au camp de Dora

Vingt-deux ans après l’engagement pris à La Coupole1 d'Helfaut-Wizernes, auprès des survivants de Dora réunis au sein de l’Amicale Dora-Ellrich, l’objectif est atteint. Deux décennies de recherches, une mobilisation inédite (historiens, professeurs, archivistes, bénévoles), des milliers d’archives recoupées pour élaborer cet ouvrage le Livre des 9 000 déportés de France à Mittelbau-Dora.

Cet ouvrage transmet l’histoire d’un pan entier de la déportation. Il rend justice à l'engagement de tous ces déportés et à leur combat contre le nazisme car ils n’ont pas baissé la tête et font partie de l’histoire. De plus, grâce au travail des contributeurs, certaines familles apprennent enfin ce qui est arrivé à l'un des leurs.
8 971, c’est le nombre exact de vies réunies dans cet ouvrage
8 971 existences broyées, souvent sacrifiées jusqu’à la mort, quand d’autres sont rentrés souffrant de séquelles à vie. Cette déportation est synonyme de traumatismes ressentis par les familles pendant plusieurs générations. 

Sortir de l’oubli 8 971 prisonniers

Laurent Thiery2, directeur scientifique du Livre des 9 000 déportés de France à Mittelbau-Dora, explique en 2020, dans l’émission Le cours de l’histoire sur France Culture qu’« en 1998, on était toujours incapable de donner l'identité et de savoir combien de personne avaient été arrêtées, déportées depuis la France et étaient passées par ce camps (Dora). L'idée, c'était d'aller dans les archives les identifier, connaitre leurs destins et écrire leurs histoires pour leur rendre hommage, rappeler leur passage sur terre parce que beaucoup ont disparu qui étaient de simples anonymes. Mais aussi pour l'histoire parce que travailler sur des parcours individuels, des biographies, c'est aussi combler les lacunes archivistiques sur certaines thématiques et donc, multiplier ces parcours par 10, par 100, par 1 000, nous permettront aujourd'hui d'expliquer des phénomènes plus larges, historiques, liés à l'histoire de la Résistance, de la répression en France et surtout du fonctionnement du système concentrationnaire. »

Combien et qui sont les déportés de France à Mittelbau-Dora et dans ses Kommandos, d’où viennent-ils, quelles sont leurs formes d’engagement, quels sont les liens de sociabilité tissés entre eux, leurs parcours dans le système concentrationnaire, combien ont péri, quelle est l’espérance de vie des survivants, quelles traces physiques ? Des notices rédigées pour chaque prisonnier répondent à ces questions : qui est-il ? Pourquoi a-t-il été déporté ? Quelle est l’histoire de sa vie, de son arrestation ? Quel est son matricule ? 
Depuis Abada Roger, résistant communiste, matricule 117858 jusqu’à Zyman Benjamin, membre de l’Organisation juive de combat, matricule 75953, en passant par les résistants Stéphane Hessel, Pierre Dejussieu-Pontcarral3 et des milliers d’autres, ce mémorial de papier les réunit pour la première fois.

Concernant le Loiret, on apprend, par exemple, que Pierre, Louis, Ferdinand Cruveiller, né le 20 février 1926 à Briare, pâtissier, arrêté le 4 juin 1943, est incarcéré à Orléans et à Compiègne, avant d’être déporté, le 2 septembre, à Buchenwald, Dora et Lublin. Résistant, il a été dénoncé. D’abord matricule 20758, il est ensuite envoyé à Lublin avec d’autres déportés malades qui subissent aussi la sélection pour l’extermination. Il y décède le 19 février 1944, la veille de ses 18 ans. Une rue porte son nom à Briare.

Le camp de Dora

Dora est un camp de concentration nazi et d'extermination par le travail, créé en août 1943. Cette dépendance du camp de Buchenwald, destiné à la fabrication de missiles V24 sur lesquels Hitler comptait pour remporter la guerre, devient autonome en octobre 1944 et prend le nom de Dora-Mittelbau.
Environ 60 000 prisonniers hommes de vingt-et-un pays y ont été retenus prisonniers, l’équivalent de la population de Montauban ou Neuilly-sur-Seine. On estime que plus de 20 000, dont 4 500 Français, y sont morts en moins de deux ans.

Ce camp a été l’un des plus mortifères, c’est pourquoi on parle de l’enfer de Dora.

Le musée de Lorris rassemble des contributeurs

En photo :

en haut, de gauche à droite : Raymond Bourdois, Lucien Léger, Émile Noirot, Henri Maréchal

en bas, de gauche à droite : Tomas Pereira Ribero, Pierre Cruveiller, Étienne Tinet, Mothu

Le musée de la Résistance et de la déportation de Lorris est sollicité, en 2018, par Laurent Thiery afin de participer à l’élaboration du Livre des 9 000 déportés de France à Mittelbau-Dora. Il s’agit d’écrire les notices biographiques des 121 déportés du Loiret passés par ce camp.

Marie-Pierre Le Men, responsable du musée, réunit des rédacteurs bénévoles très impliqués et motivés pour ce travail de mémoire : 
Dany Percheron, professeure d’allemand à la retraite, auteure de nombreux travaux sur les résistants déportés du nord du département ; 
Renée-Claude Contreau, professeure d’histoire-géographie à la retraite dont les parents, résistants, ont été déportés ;
Philip Berault, fils et petit-fils de déportés, président, pour le Loiret, des Amis de la Fondation pour la mémoire de la déportation ;
Jean-Louis Lalemand, porte-drapeau de la Fondation pour la mémoire de la déportation. 

Le musée de Lorris plonge le visiteur dans les pages les plus sombres de l’histoire du Loiret, haut lieu de la Résistance, qui paya un lourd tribut à la déportation. Ouvert en 1988, réaménagé en 2009, il retrace la vie du département durant la Seconde Guerre mondiale grâce à des documents d’époque, des témoignages, des objets et des armes.
 

1 : C'est l’un des grands vestiges de la Seconde Guerre mondiale en Europe. La Coupole, immense cathédrale de béton souterraine, construite par l'Organisation Todt en 1943-1944, devait être la base de lancement des fusées chargées d'explosifs dont l’objectif était de réduire en cendres l'Angleterre. Ces missiles étaient fabriqués à Dora. Aujourd’hui, centre d’histoire du Nord-Pas-de-Calais, il évoque des événements appartenant au patrimoine commun à tous les Européens.
2 : Laurent Thiery est membre du comité scientifique de la Fondation de la Résistance, président du comité scientifique pour le projet de rénovation du Mémorial de l’internement et de la déportation de Compiègne-Royallieu
3 : Pierre Dejussieu-Pontcarral organise une résistance au sein du camp de Dora qui sabote la fabrication des fusées V2
4 : V2 : missile balistique développé par l’Allemagne nazie pendant la Seconde guerre mondiale
 

Édith Combe

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