L'histoire du loup dans le Loiret

12 août 2019

Loup… Un mot qui revêt encore, dans l’imaginaire collectif, une forme de crainte teintée de respect, voire de fascination. Le loup a écumé les forêts loirétaines pendant des siècles jusqu’à ce qu’il en disparaisse, au début du siècle dernier, chassé par les hommes. Alors qu’il reconquiert peu à peu des territoires perdus, la question se pose : reviendra-t-il dans le Loiret ? Témoignage de Jacques Baillon, écrivain passionné par Canis lupus…

loup

Le loup, objet de toutes les peurs et de toutes les fascinations

Autrefois répandu dans toute la France, le loup a également été présent dans le Loiret jusqu’à sa disparition qui s’est échelonnée de 1880 au début du vingtième siècle. Les souvenirs, documents, récits, archives que l’animal mythique a laissés dans le département sont principalement liées aux diverses opérations punitives dont il aura finalement fait les frais : battues, piègeage, tirs, empoisonnement... Considéré sans état d’âme comme "nuisible" par la population, on lui reprochait de s’en prendre au bétail.

De l’Orléanais au Gâtinais, de la Beauce à la Sologne, Canis lupus a marqué les terroirs loirétains de son empreinte. De nombreux noms de lieux-dits en témoignent encore, certains rappelant les lieux fréquentés par le loup, comme les "bois au loup", "champ au loup" ou la manière dont on le piégeait, comme les "fosses au loup" ou dont on le punissait de ses exactions en le pendant haut et court, comme le "chêne au loup" ou encore "le loup pendu".

Les derniers loups du Loiret

1880. Le loup commence à se raréfier mais il est encore signalé à Izy, près de Neuville-aux-Bois, ainsi qu’à Chanteau, Cercottes, Saint-Lyé-la-Forêt, Ingrannes, Ouzouer-sur-Loire, Autry-le-Châtel…

À Puy-la-Laude, la présence de loups est mentionnée vers 1882. En 1883, une louve de 30 kilos est tuée à Saint-Firmin-des-Bois et une autre à Courtenay. L’animal, naturalisé, est exposé au musée de la chasse de Gien où le guide annonce qu’il s’agit du « dernier fauve tué dans le Giennois ».

En 1884, c’est à Bazoches-sur-le-Betz et au Bignon-Mirabeau que l’on tue deux louves.

En 1885, des loups sont vus et tués en Sologne, à Mézières-lès-Cléry. On les signale à Ferrières-en-Gâtinais lors de l’hiver 1886/87 puis, en 1888, année au cours de laquelle une louve de 40 kilos est tuée à Ferrières, peut-être « la dernière du Gâtinais ».

En 1888, des battues sont encore organisées dans le massif de Lorris à la demande du maire des Bordes, mais on ne voit pas de loup, seul un renard et une laie sont mis en fuite par les rabatteurs.

En 1890, les loups semblent avoir disparu du département. Les dernières primes à la destruction sont versées cette année-là. Pourtant, en 1897, un garde d’Ingrannes s’enquiert encore de la possibilité de toucher une allocation pour destruction de renards et de loups.

En 1891 on signale "possible" leur présence à Coullons et en forêt de Montargis.

En 1892, c’est dans les bois de Sta, en Sologne orléanaise, qu’un équipage de chasse au chevreuil rencontre trois ou quatre louvards.

En 1895, un loup mange un chien dans une usine d’équarrissage à Treilles.

Enfin, en 1906, un grand loup est tué entre Ligny-le-Ribault et Jouy-le-Potier par le même équipage. Cette anecdote est certainement la plus fiable de toutes celles recueillies, puisque le récit de cette chasse et un loup naturalisé ont été conservés par la famille.

D’autres rumeurs isolées font état de données à des dates beaucoup plus tardives. En forêt de Montargis, « des loups auraient mangé le repas de bûcherons » pendant la guerre 1914/18. Mais ce n’est qu’un souvenir de famille dont on ne connaît pas le degré de fiabilité ! Et en Sologne, vers Ménestreau-en-Villette, « il y aurait encore eu des loups jusqu’en 1911 ».

Un possible retour du loup dans le Loiret ?

Depuis les années 1990, l’espèce a entamé sa reconquête des territoires perdus, un peu partout en Europe. La "souche" originelle est la population de loups italiens des Abruzzes qui a reconstitué peu à peu ses effectifs dès 1970 et a entrepris de recoloniser les pays voisins. Le loup est maintenant présent en Allemagne, où il a d’ailleurs reçu le renfort de loups venus de Pologne. On l’a aussi signalé en Belgique, aux Pays-Bas, au Danemark et le "stock" de loups espagnols est depuis toujours important.

En France, on recense 500 loups, principalement dans le quart sud-est du pays, mais aussi dans le Massif Central, dans les Pyrénées, dans l’Est (Vosges et environs). « Le loup est un infatigable trotteur, explique Jacques Baillon, auteur loirétain qui s’est passionné pour ce carnivore. Des éclaireurs, en général de jeunes mâles, quittent la meute pour aller en fonder une nouvelle ailleurs et peuvent pour ce faire parcourir des centaines de kilomètres. »

Le loup pourrait-il revenir dans le Loiret ? « Oui, affirme Jacques Baillon. Le loup est en train de reconquérir les territoires qu’il avait perdus, dont on l’avait chassé. Quand et où cela se fera, on ne le sait pas, mais le loup peut se situer à proximité d’installations humaines sans que cela ne lui pose trop de problèmes. »

Pour le moment, les quelques cas d’observation de loups en région Centre Val de Loire se sont tous, après vérification, révélés négatifs. « Le loup est souvent confondu avec certaines races de chiens, en particulier les chiens-loups tchèques ou les Saarloos qui lui ressemblent beaucoup », commente Jacques Baillon. Aux frontières du Loiret, il a été observé, de passage, dans l’Aube, l’Yonne, la Nièvre (parc naturel du Morvan), la Creuse… « Il est évident que le loup, pointera bientôt le bout de ses crocs dans le département. », assure Jacques Baillon. En Sologne, en forêt d’Orléans, ailleurs ? Les observateurs sont aux aguets.

Les ouvrages de Jacques Baillon

Jacques Baillon, que nous avons interviewé pour rédiger cet article, est l'auteur de nombreux ouvrages sur le loup et, plus globalement, la faune sauvage de notre région. Il a notamment écrit :

  • Hommes et bêtes d’antan (2019) ;
  • Le loup autrefois en Beauce (2014) ;
  • Le loup autrefois en Sologne (Thebookedition.com, 2014) ;
  • Le loup autrefois en forêt d’Orléans (CPE, 2011) ;
  • Nos derniers loups (1991).

Revenir en haut de page