Martin Pouret, la petite entreprise qui ne connaît pas la pénurie !

08 juin 2022

En prenant la décision de s’approvisionner, pour les graines de moutarde, dans le Pithiverais, l’entreprise Martin Pouret ne s’imaginait pas qu’elle serait épargnée, en 2022, par une pénurie de matière première et qu’elle serait une des seules à continuer à produire le précieux condiment.

Exemples de recettes réalisées avec les moutardes Martin Pouret

Pour Martin Pouret, s’approvisionner en local, c’était déjà un principe fort avant même la crise sanitaire et la guerre en Ukraine. « Monsieur Martin [le propriétaire précédent, NDLR] travaillait déjà avec un producteur de graines de moutarde du Pithiverais cinq ans avant que nous ne reprenions l’entreprise, en 2019, expose David Matheron, co-propriétaire de l'entreprise avec Paul-Olivier Claudepierre. Nous travaillons sur une semence adaptée à nos besoins et à notre terroir, aujourd’hui, sur une surface de 26 hectares. Moins forte que certaines autres graines, plus grasse aussi. En lien avec les caractéristiques que l’on souhaite donner à nos produits. En travaillant en local, nous nous affranchissons des fluctuations du marché. »

Et ça tombe plutôt bien car suite à la décision de diminuer les surfaces exploitées (pour produire davantage de lentilles) et à une mauvaise récolte en 2021, le Canada, premier exportateur de graines de moutarde au monde, n’est plus en mesure de fournir l’ensemble de ses clients habituels. Résultats : des rayons de moutarde vides exceptés ceux des magasins qui référencent la gamme Martin Pouret ! « Nous sommes dans une situation de pénurie nationale voire internationale. 95 % des moutardes vendues en France contiennent des graines de moutarde canadiennes. Dès fin 2021, le Canada a alerté les fabricants de moutarde pour les prévenir qu’il ne serait pas en mesure de répondre à la demande. Nous sommes les seuls à utiliser 100 % de graines de moutarde françaises. Notre objectif aujourd’hui, notre charte même, c’est de continuer à avoir un sourcing français. »

Trois mois de commandes en une semaine

La marque est donc aujourd’hui sollicitée par de nombreux acteurs : « Notre entreprise est réactive et est moins dépendante d’éléments exogènes et nous sommes aujourd’hui en capacité de répondre à un besoin mais jusqu’à un certain point ! Nous avons reçu, fin mai, trois mois de commandes en une semaine ! »

L’entreprise, qui a produit en 2021 250 000 pots de moutarde et espère en sortir 320 000 cette année, est aujourd’hui la seule à répondre aux besoins même avec des quantités limitées. Un effet d’aubaine pour la marque : « La pénurie actuelle nous permet d’entrer plus facilement et plus rapidement que prévu dans certains réseaux de distribution. Nous touchons ainsi des acteurs que nous n’aurions jamais touchés. Des personnes qui n’auraient peut-être jamais découvert nos produits, qui les goûtent et que l’on conquiert grâce à leur qualité. »

Et en faisant entrer leur moutarde dans des épiceries, des GMS, des restaurants, les deux entrepreneurs espèrent bien réussir à introduire leur vinaigre : « Notre moutarde est une porte d’entrée qui va nous permettre de faire connaître notre vinaigre, notre signature. »

Un marché sous tension jusqu’à cet automne

Le marché risque d’être sous tension jusqu’à fin octobre / début novembre, jusqu’à ce que la récolte 2022 de graines canadiennes arrivent en Europe. Martin Pouret fait fi de ces mouvements erratiques grâce à l’instauration d’un partenariat stable avec les agriculteurs locaux, avec un lissage sécurisant de ses commandes, année après année. « La force de Martin Pouret, c’est d’avoir été depuis des siècles dans une démarche de proximité qui lui offre un véritable avantage concurrentiel aujourd’hui. Plus on internalise, plus on maîtrise et moins on est impacté. Personne ne pouvait imaginer que l’on connaîtrait ce genre de pénuries aujourd’hui. Les acteurs du marché sont tributaires d’éléments exogènes qu’ils ne maîtrisent pas. Nous sommes entrés dans un environnement agroalimentaire incertain et on avait oublié que cela pouvait arriver. Il faut retenir cette leçon et avoir en tête que des petites alertes sur de la moutarde (qui ne remet pas en cause la capacité d’une population à se nourrir) laissent présager des avertissements plus conséquents ailleurs. »

Mélanie Potau

Pour en savoir plus

Revenir en haut de page