« Qui devrons-nous sacrifier ? Les personnes âgées ou les personnes handicapées ? » : l’appel des élus départementaux

14 novembre 2024

Si rien ne change dans le projet de loi de finances 2025, c’est l’avenir des Départements et leur modèle de justice sociale et territoriale de proximité qui seront fragilisés, s’alarment, dans une tribune au quotidien Le Monde, près d’une centaine de présidentes et présidents de conseils départementaux, dont Marc Gaudet, président du Département du Loiret.

L’asphyxie des Départements se profile avec le projet de budget 2025. Face à un tel péril, nous, présidentes et présidents de conseils départementaux, de toutes tendances politiques, demandons solennellement que le gouvernement et le Parlement prennent leurs responsabilités.

Nous réclamons un soutien équitable et à la hauteur des enjeux auxquels nous sommes confrontés. Nous exigeons la poursuite d’un dialogue constructif et un réexamen urgent du projet de loi de finances 2025 pour éviter une catastrophe.

Près de 2,2 milliards d’euros, soit 44 % des prélèvements imposés aux collectivités locales : c’est le montant de la contribution demandée aux départements dans le projet de loi de finances présenté par Bercy. C’est injuste, inacceptable et inapplicable quand on sait que les départements portent moins de 20 % des dépenses publiques locales. Leur pronostic vital est désormais engagé, et avec eux celui des services essentiels de proximité qui permettent à nos concitoyens, dans nos villes comme dans nos territoires ruraux, de vivre dignement, de se déplacer, de scolariser leurs enfants et de protéger leurs aînés.

Trois milliards d’euros de dépenses supplémentaires, c’est, depuis 2022, le montant des dépenses imposées au niveau national et qui ont été assumées par les départements. En supprimant la dynamique de la TVA, qui devait pourtant compenser la suppression de la taxe foncière, on supprime l’ultime marge de manœuvre financière
pour assurer nos missions. Les dépenses sociales obligatoires des départements explosent, en particulier pour l’aide sociale à l’enfance, le revenu de solidarité active, l’allocation personnalisée d’autonomie et la prestation de compensation du handicap.

Des choix douloureux

Ces charges, dont 85 % découlent de décisions nationales, représentent aujourd’hui près de 70 % des dépenses de fonctionnement des départements, soit 12 points de plus qu’il y a dix ans, selon les évaluations de notre organisation. Simultanément, alors que la pression s’accroît sur les dépenses, les recettes s’effondrent.

Un tiers des départements sont déjà en situation critique et peine à boucler leur budget ; à la fin de 2025, si rien ne change dans ce projet de budget, 85 % des départements pourraient se retrouver sous le seuil d’alerte budgétaire et dans l’incapacité de répondre aux besoins fondamentaux de leurs administrés.

Nous avons désormais devant nous des choix douloureux. Et c’est au gouvernement, c’est à la représentation nationale de les assumer.

Qui devrons-nous sacrifier ? Les personnes âgées ou les personnes handicapées ? Nos collégiens ou les demandeurs d’emploi ? Les associations sportives et culturelles essentielles à la cohésion sociale ? Nos actions en faveur de la transition écologique ? Nos pompiers ? Devra-t-on renoncer à l’entretien des routes ou au développement de la fibre ? Chaque choix que nous impose ce budget aura des conséquences pour les Français et sur notre pacte républicain.

Au cœur des solidarités, les départements sont des amortisseurs sociaux et les piliers de cette action publique de proximité qui préserve l’équilibre des territoires. Depuis des décennies, nous pallions les conséquences du retrait et de la dispersion de l’action de l’État.

Le prix de décennies d’errances budgétaires

Chaque euro que nous investissons va directement au service de nos concitoyens : le financement des pompiers, le soutien aux aînés et aux plus fragiles, la protection de l’enfance, l’entretien des routes, des collèges et le déploiement de la fibre, le financement et l’équipement des services de secours. Pourtant, la pression sur les Départements s’accentue sans cesse, au risque de rompre définitivement le lien social et de ruiner toute justice territoriale.

Aujourd’hui, nous sommes arrivés au bout de l’exercice. Nous avons déjà absorbé beaucoup plus que nous ne devions et on nous demande encore l’impossible. Nous ne pouvons plus accepter que les Départements payent une fois encore le prix de décennies d’errances budgétaires.

Ce qui est en jeu ici, ce n’est pas seulement l’avenir des Départements, c’est notre modèle de solidarité nationale et de justice sociale et territoriale. En nous privant des ressources nécessaires à l’exercice de nos missions, c’est tout le système de proximité qui vacille. Sans nous, c’est la cohésion territoriale qui s’effrite, fracturant encore un peu plus le fossé qui se creuse entre la France des villes, la France des campagnes et la France des outre-mer.

Nous, présidentes et présidents de conseils départementaux, unissons nos voix pour défendre notre modèle et préserver cette solidarité qui fait la force de nos territoires. Le projet de loi de finances 2025, en l’état, risque de nous asphyxier, et tous les Français seront affectés. Il faut entendre notre appel avant qu’il ne soit trop tard.

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