Un numéro d’appel pour prévenir les passages à l’acte des adultes sexuellement attirés par les enfants
Le Département du Loiret relaie, en mars et avril, la campagne impulsée par la Fédération française des centres ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles (FFCRIAVS). L’objectif : prévenir les violences sexuelles faites aux enfants grâce au dispositif STOP. En appelant le numéro 0 806 23 10 63, des adultes sexuellement attirés par les enfants sont orientés et accompagnés pour éviter tout passage à l’acte.
D’après le dictionnaire Le petit Robert, la pédophilie est l’attraction sexuelle pour les enfants. La FFCRIAVS rajoute que cette attirance existe de façon durable. Ce qui la différencie de la pédocriminalité est le passage à l’acte, les violences sexuelles commises sur les mineurs.
Le monde change
Il y a quarante-cinq ans, Le Monde publiait une pétition, signée par des intellectuels français, sous l’impulsion de Gabriel Matzneff, réclamant la relaxe de trois hommes poursuivis pour avoir eu des relations sexuelles avec des jeunes de 13 et 14 ans. Depuis les années 80, la pédophilie est unanimement condamnée et la pédocriminalité punie de peines de prison. Longtemps, penser prévention de la pédophilie se heurtait à une chape de plomb morale et institutionnelle.
Des précautions et un dispositif de prévention
Une agression sexuelle sur un enfant a une incidence dramatique sur sa santé émotionnelle et physique. Lui apprendre à ne pas suivre un inconnu, apprendre aux enseignants et pédiatres à reconnaître un enfant victime d’agression, s’assurer que les victimes soient suivies, entourées et soignées, que les agresseurs soient rapidement repérés et placés en détention et/ou soumis à un traitement thérapeutique : tout cela est primordial mais insuffisant.
Aujourd’hui, toute personne sexuellement attirée par les enfants qui réside en Centre Val de Loire peut téléphoner au 0 806 23 10 63 (appel confidentiel et non-surtaxé) du lundi au vendredi de 9 h 30 à 17 h. Les objectifs : aider ; éviter le passage à l’acte ou les récidives.
Comment se déroule un appel ?
Après avoir indiqué son numéro de département, la personne sera accueillie par le secrétariat du Criavs, qui organise l’évaluation téléphonique (psychologue, psychiatre, infirmier) en vue d’une proposition d’orientation et/ou un parcours de soins.
Bon à savoir : les intervenants sont soumis au secret professionnel.
Des dispositifs qui ont fait leurs preuves
La FFCRIAVS s’est inspirée de dispositifs qui existent en Allemagne, depuis 2005, et, en Angleterre, depuis les années 1990. Des études ont démontré leur pertinence.
Le projet allemand Dunkelfed et Stop It Now, le dispositif anglais résultent de la prise de conscience de la nécessité de mesures préventives. Dans les deux pays, lignes d’appel et sites internet permettent de s’auto-évaluer, de se voir proposer une thérapie avec des professionnels. Des campagnes nationales ont aussi été diffusées à des heures de grande écoute afin de sensibiliser le grand public. Les objectifs sont la prévention d’actes pédocriminels et de la consommation de pédopornographie. D'autres pays se sont ensuite inspirés de ces modèles, comme les Pays-Bas, l'Irlande et la Finlande.
Un profil type ?
« Les appelants sont majoritairement des personnes qui se sentent ou savent être attirés par les enfants. Ce sont surtout des hommes, même s’il y a quelques femmes. Ils ont en moyenne la trentaine », décrit Ingrid Martin-Bertsch, psychologue clinicienne au Criavs Centre.
« Ils s’inquiètent, sont assez inhibés et ont peur du regard des autres, complète Cécile Miele, psychologue sexologue. Peu bavards, ils se questionnent sur leur normalité et les aides qu’on peut leur apporter. Notre défi est de communiquer avec eux et leur faire accepter un rendez-vous avec un thérapeute. Les autres appelants sont des gens qui découvrent dans le téléphone de leur conjoint des photos pédopornographiques ; des victimes ; des familles de victimes ou d’auteurs et des professionnels qui ont des inquiétudes à propos d’un patient. Cette campagne a été soumise, avant son lancement, aux associations de victimes afin de ne choquer personne. Nous n’avons eu ni retour négatif ni message haineux. Tout le monde a conscience qu’en intervenant précocement, on évite des passages à l’acte. Pour ce faire, les traitements sont variés et individuels car les facteurs le sont. Pour l’un, des séances avec un thérapeute (psychiatre, psychologue ou sexologue) seront le bon outil. Pour un autre, à ces échanges, il faut ajouter un traitement avec médicaments. Et parfois, c’est une dépression qu’il faudra soigner. Les facteurs sont traités un à un. »
Les personnes attirées par les enfants sont majoritairement en demande d’aide. Notre devoir est de l’entendre et d’y répondre pour éviter tout passage à l’acte.
Le Département du Loiret s’engage
Particulièrement engagé dans la prévention, notamment des violences sexuelles sur mineurs, le Département a organisé, fin 2021, avec l’association Colosse aux pieds d’argile, des réunions publiques sur l’ensemble du territoire loirétain afin de sensibiliser le grand public, les professionnels et bénévoles intervenant auprès d’enfants. De plus, les assises régionales de cette association se tiendront jeudi 12 mai à l’Hôtel du Département.
Ainsi, le Département du Loiret a décidé de relayer la campagne de promotion du numéro 0 806 23 10 63 (appel confidentiel et non-surtaxé) afin que le plus grand nombre de personnes concernées l'utilisent et se fassent accompagner.
Des dispositifs complémentaires
En plus du numéro de téléphone et du site internet, les Criavs font un gros travail avec Google : « Ainsi, lorsque les internautes tapent des mots clés en lien avec la pédophilie, ils se voient proposer les site/numéro du dispositif Stop. Quand des pédophiles accèdent à des plateformes spécialisées, on aimerait que des messages les invitant à nous contacter s’affichent. On sait que ces communications fonctionnent très bien, car elles arrivent à un moment où la personne est assez réceptive. Les campagnes grand public ont le mérite de déstigmatiser le soin, la démarche est alors plus facile à faire par ceux qui veulent l’entreprendre. »
En chiffres
- En France, en 2021 : 2 748 appels pour 925 appelants (les gens appellent souvent deux fois).
- Selon les études, les chiffres vont de 5 à 20 % de pédophiles au sein de la population générale.
Édith Combe